Le terme Ahimsa été largement répandu par Gandhi au milieu du XXème siècle.

Il s’agit d’un mot sanskrit usuellement traduit par la non-violence, qui est composé du a privatif  et de hims provenant de la racine han: frapper, blesser, tuer.

Il est le premier des dix Yamas et Niyamas, celui dont découlent tous les autres. Il est aussi le principe fondamental de l’hindouisme, du bouddhisme, et du jaïnisme.

On pense souvent à la violence dans sa forme grossière, comme par exemple des gestes brutaux, des cris… mais elle prend aussi souvent une forme plus subtile. Au-delà de l’absence de violence, Ahimsa est avant tout la volonté de vivre en paix avec soi et avec le monde qui nous entoure. Cette violence existe à trois niveaux: la violence en actions, la violence en paroles et la violence en pensées. Si les deux premières nous paraissent évidentes, la troisième, à savoir avoir des pensées négatives ou haineuses, est est une forme la plus sournoise de violence. Et ce pour une raison bien simple: dans ce cas notre esprit est rempli de pensées négatives, qui viendront perturber notre tranquillité d’esprit. Nous allons ainsi entretenir une colère (… une peur … ou encore une jalousie…) qui n’a pas lieu d’être et qui va modifier nos comportements vis-à-vis de nous-même et des autres. Il s’agit donc de casser le cercle vicieux qui veut que « la violence engendre la violence ».

Ahimsa est au contraire la volonté de cultiver la bienveillance envers soi et envers les autres et d’utiliser cette dernière pour faire face à la violence lorsque nous devons y faire face.

J’insiste sur la notion de volonté: Ahimsa est une attitude délibérée, un travail constant pour tendre vers ce sentiment de bienveillance envers tous et en toutes circonstances. C’est un chemin, sur lequel nous trébuchons régulièrement, mais que nous choisissons de suivre.

A l’origine de toute violence, il y a un mal-être, qui peut être de la peur, de la jalousie, de la colère, de l’incompréhension… Dans ce cas, nous devons identifier et regarder ce mal-être en face. Puis panser la blessure. Faire la paix avec soi-même permet vivre en paix avec les autres, de leur donner une place. C’est donc une démarche dans laquelle nous développons la conscience de l’Amour Universel, auquel chacune de nos pensées, chacune de nos paroles, chacun de nos actes peuvent contribuer.

Ahimsa peut être vue comme une faiblesse. Mais c’est une vision déformée de la réalité. Car la non-violence demande au contraire une grande force intérieure. Elle présuppose en effet l’absence de peur, la conviction inébranlable que la bienveillance est plus puissante que la violence. Ahimsa n’est pas non plus synonyme de lâcheté. Ne pas réagir face à une situation injuste est aussi une forme de violence.

Mais parfois, nous devons aussi accepter qu’il n’y a pas d’autres moyens que la violence pour réagir à une injustice (par exemple lorsqu’il peut s’agir de sauver une vie). La clé, c’est de chercher à faire ce qui est juste, non seulement pour soi mais aussi pour les autres. Nous pouvons ici nous poser la question de la justice: ce qui est conforme au droit, et de la justesse: qualité de ce qui est justement fondé. Les deux peuvent parfois se trouver en opposition, et nous pouvons légitimement nous demander si être dans Ahimsa c’est faire preuve de justice ou de justesse…

Nous vivons tous régulièrement des situations où Himsa, la violence, intervient, et ce bien malgré nous. L’aversion, l’incompréhension, la colère, la peur, la jalousie, le refus d’entrer en relation, le perfectionnisme, la non-action peuvent être à l’origine de cela. A partir de cela, prendre conscience de ces situations est déjà en soi un premier pas. Il s’agira ensuite de comprendre qu’est-ce qui, chez nous ou chez l’autre génère ces comportements. 

La violence peut être:

  • De soi envers les autres: 

à l’origine de cette forme de violence est un mal-être. Il s’agit peut-être de vielles blessures, ou d’autres émotions négatives comme la peur, la colère… dans tous les cas, il faudra identifier la cause de ce mal-être, l’accepter et travailler à le soigner. Admettre que l’autre n’est en rien à l’origine de notre état intérieur, quoi qu’il dise ou quoi qu’il fasse. Nous pensons souvent à tort que si nous ressentons de la colère, c’est par parce que l’autre a par exemple critiqué ce que nous venons de faire. Or si l’on creuse, on se rend compte que la réalité est un peu plus complexe: la critique a réveillé en nous une blessure ou a généré une frustration. 

Au-delà de la colère, nous pouvons réagir différemment. Soit en admettant que la critique est fondée, et que nous pouvons saisir là une occasion d’apprendre ou de faire différemment. Soit en nous disant que la réaction de l’autre n’est pas justifiée. Dans ce cas, nous nous détachons de son jugement et nous assumons pleinement nos actes, nos paroles et nos pensées. Il n’y a donc pas de colère ou de frustration à avoir. Dans ce contexte, nous sommes alors obligés de prendre pleinement la responsabilité de notre propre état intérieur.

  • De l’autre envers soi

dans ce cas, il va falloir admettre que le comportement de l’autre est la conséquence de son mal-être intérieur. Nous devons comprendre qu’il n’y a rien de personnel dans l’attitude de l’autre bien que notre ego s’échine à nous faire croire le contraire. Ainsi, nous devons apprendre à dompter notre égo qui nous induit souvent en erreur dans nos jugements et dans notre façon d’envisager la vie en général, parce que tout ne dépend pas toujours de nous. Certaines émotions nous appartiennent, d’autres pas. A nous de faire le tri. 

  • De soi à soi:

cette forme de violence commence avec le non-respect de nos besoins corporels.Les exemples sont nombreux: pratiquer une activité physique inadaptée, forcer lors de l’exécution de postures de yoga, manger trop ou trop peu, ne pas dormir suffisamment, etc… 

Dès lors comment respecter notre être si nous ne savons pas respecter notre corps? Lorsque nos besoins de base ne sont pas comblés, nous ne pouvons pas nous sentir en sécurité. Cet inconfort va entrainer une altération de la confiance en soi, et nous pouvons alors entrer dans des discours intérieurs d’une extrême violence vis-à-vis de nous même en nous dénigrant de manière systématique. 

Cultiver l’amour et la bienveillance, ne pas céder à la facilité de la violence est un travail de chaque instant. Cela demande de comprendre ce qui nous anime, de réparer nos blessures, de rester indulgent envers nous-même et garder confiance dans nos capacités. Mais c’est un effort qui en vaut la peine, car loin de nous soumettre aux autres, elle nous permet au contraire de nous libérer et de vivre en toute sérénité

Namaste

Sources:
Bliss Divine - Swami Sivananda
Introduction aux voies du Yoga - Tara Michaël
Blog du site Yogamrita - Michèle Lefèvre
Raja Yoga - Héléna Volet
9 interpretations of the Yamas and Niyamas - Yoga Journal 07.04.2009